VILÉM FLUSSER (1920 - 1991)

Vilem Flusser
Né à Prague en 1920, il fuit cette ville devant l'invasion allemande. Après un passage par Londres, il s'établit au Brésil et enseigne jusqu'en 1972 la philosophie de la communication à l'université de São Paulo; il participe aussi au développement de la Biennale de São Paulo et joue un rôle important de critique artistique, scientifique et philosophique. Revenu dans le sud de la France en 1973, il y écrit la plus grande partie de son œuvre et développe un foyer de réflexion où se rencontraient artistes et intellectuels. Pour ce philosophe, encore très peu traduit en français, la création et la mise en œuvre généralisée des nouvelles technologies médiatiques empiétent sur ​​presque tous les domaines de l'existence; il plaide donc pour que l'on s'intéresse de près à l'image technique et à l'appareil qui génère de telles images. Dès 1984 la parution de ses livres "Pour une Philosophie de la Photographie" suivie de "l’Univers des Images Techniques" (1985) lui apporte une audience internationale. Ils sont considérés actuellement comme faisant partie des bases de la pensée postmoderne.
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Citations

  • L'art est notre manière de vivre dans le réel. En cela nous différons des animaux.
    L'art: le beau et le joli (lettre adressée à Louis Bec)
  • L'artiste n'est pas intéressé dans la communication des expériences privées: cela serait d'ailleurs ennuyeux. Son intérêt, c'est de nous proposer des formes nouvelles pour nos expériences futures, et d'ainsi enrichir notre réalité (et la sienne). L'art: Le beau et le joli (lettre adressée à Louis Bec)
  • Si elle (l'œuvre d'art - ndlr) contient trop peu d'information – si elle est trop "traditionnelle" – elle n'est pas "belle" (elle n'augmente pas le domaine de l'expérience). Et si elle contient trop d'information – si elle est trop "d'avant-garde" – elle n'est pas "belle" non plus (elle n'augmente pas le domaine de l'expérience, car elle ne communique pas).L'art: le beau et le joli (lettre adressée à Louis Bec)
  • La beauté est terrible. Elle nous propose un changement de l'expérience du réel. Rilke dit qu'elle nous crie: "Il faut que tu changes ta vie". Et il dit aussi: "La beauté est le commencement de la terreur". Elle n'est pas du tout jolie. Si nous voulons vivre agréablement, nous devons nous contenter des modèles vieux, traditionnels, de l'expérience. L'art: le beau et le joli (lettre adressée à Louis Bec)
  • Les images sont des surfaces signifiantes. La plupart du temps, elles indiquent quelque chose qui se situe dans l'espace-temps "au dehors", et qu'en leur qualité d'abstractions (de réductions des quatre dimensions de l'espace-temps aux deux dimensions de la surface) elles sont censées nous rendre représentable. Pour une Philosophie de la Photographie, p.9 – 2004, éd. Circé, Belval (France)
  • La signification des images se trouve à la surface. On peut la saisir d'un seul coup d'œil – mais elle demeure alors superficielle. Veut-on approfondir la signification, c'est-à-dire reconstruire les dimensions qui ont été soumises à l'abstraction, il faut alors permettre au regard d'errer à tâtons à la surface. [..] Ainsi le regard suit-il un chemin complexe, formé pour une part de la structure de l'image, et pour une autre de l'intention du spectateur. La signification de l'image, telle qu'elle se constitue au cours du scanning, présente donc une synthèse de deux intentions[..]. Il s'ensuit que les images sont des complexes symboliques[..]: elles laissent place à l'interprétation. Pour une Philosophie de la Photographie, p.9-10 – 2004, éd. Circé, Belval (France)
  • Pour être en mesure de régler son appareil en vue d'images artistiques, scientifiques ou politiques, le photographe doit avoir des concepts d'art, de science et de politique: autrement, comment pourrait-il les traduire en images? Il n'existe pas de photographie naïve, non conceptuelle. La photographie est une image de concepts. Pour une Philosophie de la Photographie, p.47-48 – 2004, éd. Circé, Belval (France)
  • Les photos en noir et blanc sont la magie de la pensée théorique, dans la mesure où elles transforment le discours théorique linéaire en surfaces. Là réside leur beauté propre, qui n’est autre que la beauté de l’univers conceptuel. Ainsi, nombre de photographes préfèrent les photos en noir et blanc aux photos en couleur du fait qu’elles manifestent plus clairement la signification propre de la photographie – c’est-à-dire le monde des concepts. [..] Les photos en noir et blanc sont plus concrètes et, en ce sens, plus vraies: elles manifestent plus clairement leur origine théorique. Inversément, plus les couleurs photographiques deviennent "authentiques", plus elles sont mensongères et plus elles dissimulent leur origine théorique. Pour une Philosophie de la Photographie, p.56-57 – 2004, éd. Circé, Belval (France)
  • Les clubs de photographes amateurs sont des lieux où on s'enivre des complexités structurelles des appareils: ce sont des lieux de "trips", des fumeries d'opium post-industrielles. Pour une Philosophie de la Photographie, p.79 – 2004, éd. Circé, Belval (France)
  • ..Alors, le photographe amateur ne peut plus considérer le monde qu'à travers son appareil et selon les catégories de la photographie. Loin de se tenir "au-dessus" de l'acte de photographier, il est dévoré par l'avidité de son appareil; il est devenu le prolongement du déclencheur automatique de son appareil.[..] En revanche, ce qui intéresse le photographe tel qu'on l'entend ici, c'est (à peu près comme le joueur d'échecs) de voir d'une manière sans cesse nouvelle. Pour une Philosophie de la Photographie, p.80 – 2004, éd. Circé, Belval (France)