WALTER BENJAMIN (1892 - 1940)

Walter Benjamin
Philosophe, écrivain, essayiste et traducteur allemand. Il fréquentera Rilke, Brecht, Adorno et Hannah Arendt; il admire Kafka et Klee. Originaire d’une famille juive allemande, la montée du nazisme le force à l'exil; il finira par se fixer à Paris. En 1940, l'occupation de la France le pousse à passer par l'Espagne pour rejoindre les USA. Arrêté par les gardes frontières espagnols, il se suicide à Port-Bou pour éviter la Gestapo. Il a développé une philosophie du langage en insistant sur ses fonctions "mystiques" (Le langage est tout simplement l’essence spirituelle de l’homme, dira-t-il). Il s'est intéressé au développement de la photographie et du cinéma et a réfléchi aux relations entre technologie et art: un de ses essais de référence s'intitule L'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique où il insiste sur la valeur accordée à l'unicité, l'authenticité, l' "aura" de l'œuvre d'art dans la civilisation occidentale.
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Citations

  • [..] c'est au cours de sa première décennie que la photographie a atteint son apogée, correspondant à la période d'activité de Hill et de Cameron, d'Hugo et de Nadar. Or, cette même décennie précède son industrialisation. [..] on était alors plus près des arts forains, auxquels, il est vrai, la photographie fut apparentée jusqu'à aujourd'hui, que de l'industrie. "Petite histoire de la photographie", éd. Alia, Paris 2012, p.8 - W. Benjamin
  • "La synthèse de l'expression conditionnée par la longue pose du modèle", affirme Olrik à propos de la photographie ancienne, "est la raison principale pour laquelle ces épreuves, en dépit de leur sobriété et à l'égal des portraits bien dessinés ou peints, produisent sur le spectateur un effet beaucoup plus profond et durable que les photographies plus récentes". Le procédé lui-même contraignait les modèles à vivre, non pas au-dehors, mais dans l'instant; pendant la longue durée de cette prise de vue, ils se déployaient pour ainsi dire dans la photographie, ce qui contrastait absolument avec la façon dont les choses se révèlent sur une photographie instantanée. "Petite histoire de la photographie", éd. Alia, Paris 2012, p.23 - W. Benjamin
  • L'œuvre de Sander est plus qu'un album: c'est un atlas pratique. "Petite histoire de la photographie", éd. Alia, Paris 2012, p.48 - W. Benjamin
  • [..]la créativité – dont la nature profonde obéit à deux variables: la contradiction, son père, et l'imitation,sa mère – devient un fétiche, dont les caractéristiques ne dépendent que de la variation d'un éclairage à la mode. "Le monde est beau" – voilà précisément sa devise. On décèle en elle la posture d'une photographie qui sait installer n'importe quelle boîte de conserve dans l'espace, mais qui reste incapable de saisir un seul des rapports humains dans lesquels elle intervient et qui, en cela, même dans ses sujets les plus chimériques, augure davantage leur rentabilité que leur connaissance. "Petite histoire de la photographie", éd. Alia, Paris 2012, p.53-54 - W. Benjamin
  • L'appareil photographique devient toujours plus petit, toujours plus prompt à capturer des images fugaces et dissimulées, dont le choc immobilise chez le spectateur les mécanismes d'association. Ici doit intervenir la légende, qui annexe la photographie à la littérarisation de l'ensemble des conditions de vie, et sans laquelle toute construction photographique demeurerait prostrée dans l'à peu près. "Petite histoire de la photographie", éd. Alia, Paris 2012, p.56 - W. Benjamin
  • "La réification des relations humaines, par exemple à l'usine, ne permet plus de les restituer. Il faut donc effectivement construire quelque chose d'artificiel, et posé". C'est le mérite des surréalistes d'avoir formé les pionniers d'une telle construction photographique. "Petite histoire de la photographie", éd. Alia, Paris 2012, p.54-55 - W. Benjamin
  • "L'analphabète de demain", a-t-on dit, "ne sera pas celui qui ignore l'écriture, mais celui qui ignore la photographie." Mais un photographe qui ne sait pas lire ses propres images ne vaut-il pas moins qu'un analphabète? La légende ne deviendra-t-elle pas l'élément le plus essentiel de la prise de vue? "Petite histoire de la photographie", éd. Alia, Paris 2012, p.58 - W. Benjamin
  • À la plus parfaite reproduction il manquera toujours une chose : le hic et nunc ("ici et maintenant" - ndlr) de l’œuvre d’art, – l’unicité de son existence au lieu où elle se trouve. [..] Le hic et nunc de l'original constitue ce qu'on appelle son authenticité. [..] Tout ce qui relève de l'authenticité échappe à la reproduction – et bien entendu pas seulement à la reproduction technique. "L'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique", éd. Gallimard, Paris 2012, p.12-13 - W. Benjamin
  • Ce n'est en rien un hasard si le portrait a joué un rôle central aux premiers temps de la photographie. Dans le culte du souvenir dédié aux êtres chers, éloignés ou disparus, la valeur cultuelle de l'image trouve son dernier refuge. Dans l'expression fugitive d'un visage d'homme, sur les anciennes photographies, l'aura nous fait signe, une dernière fois. C'est ce qui fait leur incomparable beauté, pleine de mélancolie. "L'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique", éd. Gallimard, Paris 2012, p.24 - W. Benjamin
  • On a dit à juste titre qu'il avait photographié ces rues comme on photographie les lieux d'un crime. Le lieu du crime est lui aussi désert. Le cliché qu'on en prend a pour but de relever des indices. Chez Atget les photographies commencent à devenir des pièces à conviction pour le procès de l'histoire. "L'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique", éd. Gallimard, Paris 2012, p.25 - W. Benjamin
  • On s'était dépensé en vaines subtilités pour décider si la photographie était ou non un art, mais on ne s'était pas demandé d'abord si cette invention même ne transformait pas le caractère général de l'art. "L'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique", éd. Gallimard, Paris 2012, p.26 - W. Benjamin